Parcours
Formée à l’école des Beaux Arts de Marseille, Michèle Durand a eu très jeune, un rapport privilégié à la couleur : son grand-père, ingénieur chimiste, issu d’une famille de soyeux lyonnais, avait créé à Marseille une fabrique de pigments.
« Je voyais des hommes bleus, jaunes, rouges sortir de l‘entrepôt, ça me fascinait, dit elle, et tous ces souvenirs se sont imprimés à mon insu ».
Ce rapport à la couleur va la suivre tout au long de ses recherches. D’abord dans un travail lumineux sur la soie, puis sur de grands panneaux décoratifs ou sur des paravents. Un parcours artisanal de quinze ans qu’elle poursuivra dans son atelier à Forcalquier jusque dans les années 95. Ses créations s’affranchiront ensuite du cadre classique pour devenir des suspensions asymétriques.
La couleur se fait alors plus archaïque : des tons de rouille, des couleurs de terre sourdes et profondes, des gris bleutés, rosés ou ocres qui s’accordent avec des créations ethniques.
Les créations des années 2000 rappellent ces « dream catchers » que les amérindiens fabriquent pour « attraper leurs rêves ».
Délivrée du cadre classique, la couleur ose livrer ses nuances les plus subtiles sur des supports improbables constitués de papiers journaux, de papiers de soie, de toile à beurre tendus comme des peaux sur des osiers tressés.
Orientalisme et quête d’essentiel
Ce rapport à la mémoire et au temps se double d’un rapport fondamental à l’Orient. Le grand père, initié aux philosophies hindouistes, a su transmettre à sa petite fille sa passion de l’essentiel.
Cette quête, Michèle l’a faite sienne à travers une recherche picturale autodidacte et passionnée. Les clins d’œil à l’Orient sont légion : des laies de papier suspendues comme des kimonos sur des portants d’osier, l’inspiration des haïkus, l’intégration de l’or à la manière d’ Ishiodori, l’utilisation du papier de soie, de riz et puis ces signes qui rappellent les sceaux des estampes japonaises… Chacun peut y trouver un rappel archaïque de sa propre histoire.
Les textures usées, les supports patinés, les matériaux ravaudés, les écritures d’un autre temps, …tout nous initie à la notion de temps et d’espace intérieurs. Une œuvre de Michèle se regarde longuement. Ce qu’elle donne à voir est bien plus qu’il n’y paraît. Pour que les mots, les textures, les matières délivrent leurs messages, il faut qu’un dialogue intime s’installe entre nos parts terrestres et nos parts célestes. L’œuvre de Michèle Durand prend racine dans la veine d’un art résolument universel.
Toujours « sur le fil », dans un équilibre nourri d’art et de nature, l’artiste tisse sa propre vision du monde pour subvertir et enrichir la nôtre.
Joëlle Ricol
Médiatrice artistique